
Premier souvenir
Il ne cesse de travailler.
De 6h à 18h, il porte un costume dans une entreprise américaine où il dirige une équipe de recherche avec enthousiasme, empathie et panache. Dès 18h30, il retrouve son magasin local de pièces électroniques jusqu’à 23h.
Chaque dimanche, Pan réunit sa famille pour déjeuner. Ce jour-là, ils sont serrés dans son Audi blanche, sur l’avenue Kifissia, en route pour un penerli. Papou à ses côtés. Derrière, sa femme, Yaya, son fils ainé et moi, sa fille qui lui ressemble tant.
Yaya n’est pas contente car Pan et son épouse n’ont pas choisi de saints prénoms pour nommer leurs enfants. Pan s’est toujours méfié de la religion des Hommes et des dogmes qui renferment l’esprit par le biais de la culpabilité. Ce qu’il déteste par-dessus tout : la manipulation de l’esprit.
- Je préfère ton fils à ta fille car il perpétuera le nom de notre famille, s’exclame Yaya.
Pan plante les freins au milieu de l’avenue. Les klaxons commencent une symphonie discordante qui fait sacrément mal aux oreilles. Il sort de la voiture, la contourne pour ouvrir la porte arrière droite. Accroupi, il regarde sa mère droit dans les yeux et lui offre un choix simple: soit elle s’excuse auprès de sa petite fille immédiatement, soit elle sort de sa voiture.
Silence.
Calmement, mais fermement, il répète.
La symphonie reprend.
Entre deux dissonances:
Je suis désolée, répond Yaya, sans oser regarder sa petite fille.
Qui est en train de sourire.
Silence.